expositions de peinture

La série Élévation présente des êtres délivrés de la pesanteur, qui s’élèvent ou descendent doucement dans l’espace. Leurs corps transparents, immatériels semblent pouvoir être traversés. Les volutes de fumée rappellent qu’ils furent de chair et d’os. Devenus corps célestes, paisibles, ces hommes-anges paraissent insensibles au monde extérieur.

Corps transfigurés, âmes délestées du corps ou êtres de passage, ils nous aspirent vers les cieux.

Pour créer ces personnages en apesanteur je me suis inspirée des postures de Butō, cette danse japonaise qui se caractérise par des corps presque nus, peints en blancs qui évoluent avec une lenteur aérienne, semblent communiquer avec des esprits invisibles et se laissent traverser par des forces de l’au-delà.

Vestiges de figures

Les volutes de fumée révèlent autant qu’elles dispersent des visages, tournés vers eux-mêmes qui semblent interroger une vie intérieure.

Cette matière carbonée sensible et volatile sonde l’invisible. Nos corps s'imprègnent de nos expériences personnelles mais renferment également la mémoire collective accumulée depuis les origines.

Ces corps, ces visages sont héritiers et passeurs de souvenirs.

Tout a commencé par un crâne – encore imprégné de couleurs de terre – prêté par un archéologue. D’abord intimidée, la finesse et la complexité des cavités osseuses m’ont vite attirée, m’incitant à l’exploration. Se dessinaient des paysages poétiques inconnus, des figures mi-animales, mi-humaines. Apparaissaient des surfaces qui, vues de près, ressemblaient aux parois ornées de cavernes préhistoriques. Ce crâne était la vie qui remontait jusqu’à moi. Avec pigments, terres, poudre de marbre et eau, j’ai recréé sur le papier une sorte d’érosion pour faire émerger ces images enfouies.

13 sept. - 30 oct. 2019, Château de la Veyrie, Bernin (38)
Le château de La Veyrie, ancienne demeure de l'industriel Charles Albert Keller, est un lieu atypique, vieille demeure abandonnée qui héberge depuis quelques années des évènements d'art contemporain. L'édition 2019, sous le commissariat d'exposition de Gilles Fourneris, arpente les voies de la création numérique actuelle en résonance avec des peintures, dessins et photographies. Une quinzaine d'artistes investissent les différents espaces de ce lieu chargé d'histoire et porteur d'imaginaire.

Fortement impressionnée par l'épaisseur des vies qui émane des murs de la cuisine, émue par l'abandon des lieux et leur dégradation inexorable, j'ai entrepris de garder trace de cette mémoire par un travail in situ.

En occultant tout un pan de mur je choisis de faire remonter à la surface des fragments de mur réels ou fictifs, minutieusement, comme un travail de fouilles archéologiques.

Dessiner en noir et blanc me permet de garder une distance avec le réel. L'écran blanc devient une surface de dialogue entre réalité et fiction, il devient corps, entrailles, avec son réseau sanguin de fils. Il convoque des souvenirs, celui d'une mouche les bras en croix, celui d'un chauffe-eau en lévitation ou celui d'un corps flottant en apesanteur.

Je me suis intéressée à l’évier, lieu de souillures, de frottements et de vécus, j’en ai fait le dessin précis qui est devenu matrice, surface de re-création.

Utilisant pour peindre les objets usuels : éponge, brosse, paille de fer, j’ai démultiplié l’évier en petits théâtres de composition abstraites. De ces taches sont réapparues en surface des présences, des images, celle parfois de l’ancien propriétaire des lieux, Charles-Albert Keller.

J’ai joué de cette frontière entre abstraction et figure, quand la limite ne tient qu’à une tache, qu’à une mouche.